» Allo, qui va là, j’te prie ? «
J’avais 14 ans, et tous les soirs, c’était le même rituel.
Le diner expédié, les devoirs emballés, les parents au salon, la lumière éteinte, je tournais avec prudence le bouton de fréquence de mon radio réveil, avec une promesse, celle de participer à un moment unique.
On appelait cela « la libre antenne ».
Les radios de l’époque reprenaient les codes de la radio pirate française des années 80, et donnaient la parole à des trublions du micro.
Parmi eux, Maurice.
Son programme : La giclée du soir.
Sa durée : variable.
Des fois jusqu’à minuit, d’autres fois jusqu’à plus de 2h du matin.
Parfois, il parlait des heures, parfois beaucoup moins, juste une punchline ou deux sur fond d’une programmation rock préparée par ses soins.
Des auditeurs pouvaient l’appeler, des ados, comme moi, et le plus souvent, il les rembarrait :
« J’aime pas les 15 ans ! «
Quand ce n’était pas l’irrévérencieux Maurice qui occupait mes nuits blanches, c’était Doc & Difool.
Leur créneau à eux ? Les sujets sociétaires.
Et on y parlait librement de sujets aussi sensibles que les relations sexuelles, le harcèlement ou l’usage de stupéfiants.
D’autres fois, le hasard de la fréquence me faisait tomber sur une onde émise d’un garage, en mode pirate, aux moyens d’une CB — Pour Citizen Band, un émetteur à courte portée, mobile, qui fait encore les joies des chauffeurs routiers — et c’était toujours un plaisir non-fin, de tomber au beau milieu d’un mix endiablé ou d’une diatribe enflammée.
C’étaient des passionnés, des voix singulières, la liberté.
Le matériel était souvent sommaire, mais jamais une fin en soi.
Le mouvement Punk était passé par là et le DIY, le vrai, n’était pas encore un hashtag à la mode pour tout adepte de couture ou home-staging sur Instagram.
Pour ceux qui écoutaient ces programmes aux moyens d’une chaine hi-fi, il n’était pas rare de s’échanger, le même programme enregistré, dans la cour du collège. C’était l’époque de la mixtape, de la cassette audio, du baladeur, des casques en mousse orange en lieu et place des AirPods et autre smartphone.
Alan Moyle figera à jamais cette époque dans son essentiel Pump Up The Volume avec en lieu et place de Maurice, un certain Harry La Trique, interprété par un Christian Slater possédé.
Le numérique, les softs, les apps ont grandement facilité le processus créatif, et honnêtement, on pourrait se satisfaire de constater qu’il n’y a jamais eu autant de création de podcast.
Mais comme pour la création cinématographique, la démocratisation des outils a augmenté la quantité en délaissant la qualité. Beaucoup de voix, beaucoup d’épisodes, mais peu d’originalité, de prise de risques. Du contenu lu, la plupart du temps, sans envie, et si on a de la chance, sans voix générées par IA.
Peut-être est-il temps de se reconnecter avec ses racines, comprendre d’où on vient, que ça sente l’huile de coude, la clope et l’alcool ?
Je vous prête cette réflexion.
Et comme le disait si bien Harry La Trique :
« Vous avez des problèmes ?
Exterminez-les, atomisez-les !
Faites-leur croire que vous êtes malheureux, que vous êtes dingue, que vous allez disjoncter.
Ils veulent que vous changiez d’attitude ?
Vous allez leur en foutre de l’attitude !
Faîtes des trucs dingues, des trucs démentiels !«
𝐄𝐝𝐝𝐲 𝐆𝐎𝐌𝐈𝐒
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𝗟’𝗮𝘂𝗱𝗶𝗼𝘃𝗶𝘀𝘂𝗲𝗹 𝗱𝗲𝘀 𝗴𝗿𝗮𝗻𝗱𝗲𝘀 𝗵𝗲𝘂𝗿𝗲𝘀
Expert Postproduction I Podcaster I Écrivain
« 𝚃𝚘𝚞𝚝 𝚌𝚎 𝚚𝚞𝚒 𝚎𝚜𝚝 𝚍𝚒𝚝 𝚎𝚝 𝚗𝚘𝚗 𝚖𝚘𝚗𝚝𝚛𝚎́ 𝚎𝚜𝚝 𝚙𝚎𝚛𝚍𝚞 𝚙𝚘𝚞𝚛 𝚕𝚎 𝚜𝚙𝚎𝚌𝚝𝚊𝚝𝚎𝚞𝚛 » – 𝙰𝚕𝚏𝚛𝚎𝚍 𝙷𝚒𝚝𝚌𝚑𝚌𝚘𝚌𝚔